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Les Princes Barbares
Venise, capiteuse et mystérieuse. Indolente et capricieuse. Si belle. Venise, un passé glorieux mais un futur incertain. Turcs et autrichiens harcèlent les marches de la République, disputent possessions et routes commerciales. La Russie est une puissance en devenir et le Tsar a mandaté le Prince Sergueï Morozov afin de conclure une alliance politique et commerciale. D'entretiens officiels en discussions officieuses le traité se construit peu à peu. Le Prince est encore considéré comme une bête curieuse, un barbare rustre, mais peu à peu, Venise lui ouvre ses portes. Il est reçu dorénavant en ces palais qui se mirent dans le Gran Canale, ces palazzi où s'affichent les plus grandes familles vénitiennes. Les
personnages : Le
Prince Sergueï Morozov
Le
Signor Fradentelli. Maestro
Giaccomo dit "la pancia" (le ventre).
Et Paolo, son aide, un nain au poil rouge. Agnès |
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Lorsque l'eau
avait fusé
dans ces intestins, Eleonora s'était arc-boutée
dans ses liens
en hurlant.
Mais comme elle retombait sur l'arête vive du chevalet, s'empalant plus profondément encore, la pince tordant les lèvres fragiles de son sexe, son hurlement s'était étranglé. L'eau la remplissait aussi par la bouche, la forçant à avaler sous peine d'étouffement. Eleonora avait senti douloureusement les chairs de son ventre enfler jusqu'à l'insoutenable. Mais qu'importait la souffrance, elle ne pouvait que la subir en une effrayante sensation de compression interne. Vessie, anus, intestins, oesophage, gosier, tous étaient pleins, emplis comme prêt à exploser. Lorsque son remplissage par le fondement fut sur le point d'être achevé, que la jarre fut vide, il y eut encore ces gouttes qu'elle voyait tomber dans l'entonnoir qui dilatait sa bouche écartelée. Gouttes qu'elle était obligé de déglutir péniblement et qui s'écoulaient en elle inexorablement, l'emplissant davantage. Les yeux révulsés, elle avalait et avalait encore, prise de nausées, son corps supplicié et enflé comme une baudruche vivante chavirant dans un océan torturé... Puis, longtemps après, quand on l'eut arraché du chevalet, il y eut le bouchage de son anus et de sa bouche, que ces appareils infernaux dont les machoires hérissées d'aspérités dilatèrent à outrance. Ils l'avaient ensuite menée en laisse, vers un des portiques où ils l'avaient accrochée, en croix, les membres écartelés par deux longues barres de métal. Oh bien sur, l'outre trop pleine qu'elle était devenue, n'était pas hermétiquement bouchée. Aussi elle fuyait par ses trous. Bave ou renvois acides, eau nauséabonde ou urine s'écoulaient sur son menton, ses seins, son ventre et ses cuissses. Ils l'avaient châtiée pour cela. Cruellement. Elle ne se souvenait plus de sa perte de connaissance, ne se rappelant que des coups de cravache qui cinglait la peau distendue de son ventre à l'en faire éclater. Dans une brûme de cauchemard elle entendit ses bourreaux annoncer son procès avant qu'elle ne s'affale au bout de ses chaînes. Enfin, songea-t-elle, qu'importe le jugement, qu'importe la condamnation, pourvu que cesse enfin cet enfer.
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Intermède : prévenu
par une servante du Palais Ziani, le Prince Morozov exige la
libération
de Dona Eleonora. |
Acte 3, scène 3.
MAESTRO
GIACCOMO :
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MAESTRO
GIACCOMO :
Vas tu donc avancer, catin ? LA
FOULE ( qui hurle ) |
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MAESTRO
GIACCOMO :
Brave gens de Venise. Cette femme a trahi notre République. Pour ce crime, elle sera vendue aux turcs. Mais auparavant, elle subira un châtiment publique. Son nez sera percé et appareillé d'un anneau. Elle sera tondue. Puis elle sera fouettée devant vous et marquée au fer rouge comme putain. Je vais la faire hurler pour votre plaisir, braves gens. |
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MAESTRO
GIACCOMO :
Bien étiré, ton nez n'en sera que plus facile à percer. |
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MAESTRO
GIACCOMO :
Ah
... le bel animal.
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MAESTRO
GIACCOMO :
Cesse donc de remuer ainsi catin, mon travail va en être tout gâché ! |
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MAESTRO
GIACCOMO :
Non Paolo. Après le fouet. La brûlure réveillera la gueuse. |
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MAESTRO
GIACCOMO :
( La foule hurle son approbation. )
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LE PRINCE (qui d'un coup d'épée
vient de trancher la main de Paolo et menace Maestro Giaccomo) :
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LE PRINCE ( haranguant la foule): Peuple de Venise ! Cette femme que l'on a martyrisée devant vous a été injustement condamnée. Sa prétendue trahison est un mensonge scélérat. Elle était condamnée à être vendue comme esclave. Aussi je me porte acquéreur devant vous. Les milles ducats d'or qu'il y a dans cette bourse et dans les fontes de mon cheval en sont un juste prix. Un prix que j'offre au peuple de Venise. Prenez ! Les milles ducats sont pour vous et non pas pour les canailles qui ont cherché à détruire Dona Ziani. (il jette les ducats à la foule qui se précipite en criant sa joie) |
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Acte 3, scène 4.
( Le Prince a pris Eleonora sur son cheval. Ils galopent vers la frontière. ) LE PRINCE :
ELEONORA :
LE PRINCE :
ELEONORA (qui, sauvée
du cauchemar, hors d'atteinte, reprends goût à l'ironie):
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Un mois plus tard les fugitifs
arrivaient à Saint-Petersbourg.
Eleonora avait presque oublié les souffrances et les humiliations infligées dans la prison de Venise. Peu à peu elle avait retrouvé le plaisir tendre que peut donner un homme. Même s'il est Maître et Dominant. Le Prince Morozov montra sa ville, fut un guide attentionné. LE PRINCE :
ELEONORA (souriante):
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FIN
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Source Encyclopedia Universalis
"Incapable de se réformer et accablée par une dette publique de près de cent millions de ducats vers 1790, la République semble à beaucoup ce « gouvernement traître et lâche » dénoncé par Bonaparte. Sur son territoire se déroulent les opérations de la guerre austro-française (1796-1797) ; après le massacre des Français à Vérone (17 avril 1797), Français et Autrichiens s'entendent pour faire disparaître l'État millénaire : le 12 mai 1797, le Grand Conseil déclare l'État dissous et le doge Daniele Manin laisse la place aux jacobins locaux, en attendant les troupes autrichiennes installées en vertu du traité de Campoformio (janvier 1798). Ce qui restait de l'empire est partagé." Que mon privilège d'auteur me permette
d'imaginer qu'une alliance russo-vénitienne (historiquement possible)
aurait pu changer l'Histoire.
Agnès
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