Du haut de mes talons-aiguille chromés, je descends lentement
les escaliers menant au rez-de- chaussée. Là mes deux
tourtereaux me regardent approcher avec inquiétude. J'adopte un
ton enjoué pour les taquiner.
- Qu'est-ce qui se passe ici ? Mes petits esclaves transis d'amour ne
sont pas heureux de revoir leur Maîtresse ? Que vous êtes
tristes et prévisibles ! Regardez ces belles bottes que je porte
spécialement pour vous. Il n'en existe pas de plus belles,
n'est-ce pas ?
Je suis alors près d'eux, et pose de façon un peu
provocante, mains sur les hanches et un pied plus avancé que
l'autre. C'est ce que je fais d'habitude avec les condamnés qui
ne me laissent pas complètement insensible. Mais comme souvent
avec les esclaves qui n'ont plus guère d'avenir, je n'obtiens
pas l'attitude servile et humiliée que j'attends. Ils subiront
une mise à mort plus longue et douloureuse. C'est le prix
à payer lorsque je porte en plus mes bottes d'exécutrice.
Je me dirige vers la porte de sortie et dis d'un ton neutre :
- Vous allez maintenant me suivre et m'obéir calmement.
À la chambre à gaz ! Elle est située non loin de
là dans l'annexe de ma maison, dans ce petit bâtiment que
j'ai fait ériger selon mes désirs et besoins
d'exécutrice. Nous traversons l'atrium, longeons la pelouse via
une petite allée dallée de
marbre, et nous pénétrons finalement dans une des salles
d'exécution, la plus grande d'entre elles. Pourvue d'un plafond
assez bas à trois mètres, aux murs et au sol presque
entièrement recouverts de céramique blanche
immaculée, légèrement éclairée par
deux fenêtres et désormais aussi par les nombreux spots
d'ambiance qui font le tour de la salle. Au centre se trouve un
dôme circulaire, fait d'acier chromé et surtout de verre
aussi solide que limpide. Huit mètres de diamètres et
trois de haut.
En effleurant du doigt un bouton sur la petite console
électronique, placée près de l'entrée de la
salle, un pan de l'enceinte s'élève verticalement dans un
sifflement feutré, pour permettre l'entrée à mes
pauvres petits condamnés. Rien ne laisse deviner ce qui les
attend, et ils ne sont pas plus futés que leurs
prédécesseurs en ces lieux. Leur
naïveté et leur ignorance m'arrangent : ça
évite toute panique ou réaction inappropriée. Je
me place sur le
côté de l'ouverture et les invite sobrement à
entrer dans l'enceinte translucide. Je suis vraiment d'humeur
réjouie, comme toujours lorsque j'entame une exécution si
prometteuse. Je souris tandis que je les presse doucement mais
fermement de se dépêcher vers l'intérieur. Des
petites tapes de cravache suffisent comme toujours. Je peux voir dans
les yeux de la fille anémiée que mon sourire est
interprété comme une forme de compassion, voire de la
pitié.
- Bon, ma petite esclave, c'est finalement là qu'on se sépare.
- Qu'est-ce qu'on va faire là-dedans ?
Sa question est empreinte d'une innocence désarmante. Je ne peux
réprimer un petit rire, et je caresse sa joue avec le revers de
ma main tellement elle me semble vulnérable.
- Eh bien ! Tu es si bête que ça ?
Elle prend soudain conscience de la réalité, et baisse tristement la tête.
- C'est ça alors... vous vous débarrassez de nous...
- C'est le sort de tous mes esclaves. Si tu savais comme certaine
exécutrices sont vulgaires et brutales... Avec moi c'est une
exécution propre et méthodique.
- Vous ne nous ferez pas souffrir ?
- Ça se passera comme je veux, et aujourd'hui j'ai très envie que ça dure un peu !
- Je vous en supplie...
Ses gémissements me font frissonner de plaisir. Combien de
condamnés se sont déjà traînés
à mes pieds pour que j'abrège leurs souffrances !
Celle-là pleurniche à peine par anticipation, elle
commence juste à me lasser.
- Eh bien ! Tu oublies un peu vite que Meredith t'a déjà
condamnée. C'est la règle. Et puis vous ne m'avez pas
complimentée quand je suis revenue vers vous, pourtant
c'était votre dernière chance. Ce qui est impardonnable
ce que, en plus, ce sont mes bottes
préférées et que vous ne vous êtes
même pas prosternés... Ça ne va pas en votre faveur
!
- On est désolés de...
- Ferme-la ! De toute façon c'est un peu trop tard. Ta vie
d'esclave n'a plus la moindre valeur, bien moins que mes bottes, que
vous n'avez pas honorées. Le prix de l'affront, ça va
être votre souffrance avant de mourir.
- Mais... Madame...
- Ça suffit ! Tu ne te tais donc jamais ?! Entre, et vite, j'en ai assez de t'entendre.
C'est sous mon regard imperturbablement souriant qu'ils entrent enfin.
Je les regarde froidement obéir à mon injonction
impatiente. Je pousse brusquement le garçon alors qu'il retarde
la fermeture.
Une fois qu'ils se tiennent bien au milieu, la façade
se rabaisse doucement, toujours avec ce petit sifflement, et se remet
finalement en place avec un déclic sec et mécanique. La
chambre à gaz, ainsi que leur sort, est hermétiquement
scellée.
Je m'installe à l'aise sur le somptueux fauteuil en cuir noir,
légèrement surélevé, et évidemment
tourné vers la chambre, à un peu plus de deux
mètres du bord de ce petit dôme transparent. Je croise les
jambes avec une élégance langoureuse, suffisamment haut
pour que mes bottes soient bien vues par mes malheureux petits
condamnés. Ce faisant, cette position permet d'exhiber en plus
mes cuisses luxueusement gainées de noir.
Sans me dépêcher, avec tout le temps nécessaire
à savourer ces merveilleux moments, je place un doigt sur le
levier d'activation du gaz, situé sur l'accoudoir gauche.
Comment ne pas savourer l'instant présent ? Ils sont totalement
à ma merci, sur le point d'affronter une mort douloureuse que
j'aurais souhaitée et organisée, et pourtant j'ai encore
le pouvoir de les gracier : mes désirs cruels sont
désormais seuls juges de ces vies. Je suis leur déesse
omnipotente et ils ne sont que mes jouets
impuissants ! Que c'est bon !... J'observe posément ces deux
esclaves, la jeunesse leur va si bien, ils sont mignons et si tendres
l'un pour l'autre... Du majeur, orné d'une assez grosse bague
sertie de rubis discrets, je titille ce petit levier servant à
libérer le gaz létal.
Ils sont là, debout,
tremblants devant moi. Je détecte une profonde tristesse dans
les yeux de biche de cette fille. Le garçon cache sa peur,
à la fois pour ne pas effrayer sa douce mais aussi pour ne pas
m'offrir le spectacle de sa
détresse.
Quel garnement... Finalement toutes ces petites
considérations n'ont guère d'intérêt face au
choix crucial qui me reste : doivent-ils continuer à vivre ? Je
n'ai besoin de rien pour les gracier, quelques mots de ma part et les
voilà libres et bientôt mariés.
Malgré
cela... Non.
Je pousse lentement le levier du bout du doigt, en prenant ensuite mes
aises dans le fauteuil pour assister à leur dernier devoir :
celui de mourir pour mon plaisir...................................................................
... à suivre ...
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