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L'ENQUETE
DU PRINCE (1) |
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- L'amie de Monsieur a perdu une de ses chaussures
dans l'ascenseur.
Le Prince sourit un instant, songeant à Cendrillon. Helen
perdant sa pantoufle de vair…
L'image était plaisante, mais le fait curieux, inquiétant
même.
- Merci Joaquim. Je lui rendrai. Au fait, l'avez vous vue quitter
l'hôtel ?
- Non Prince. Vous m'y faites penser. Elle n'est pas passée
devant la réception. Et c'est très bizarre. Si je
puis me permettre, Prince, vous devriez faire attention à
vous même. Il y a de méchantes gens qui vont et viennent
depuis quelques temps.
- J'ai compris mon ami. Je vous remercie de votre conseil.
Le Prince avait appelé la réception. Il était
agacé. Helen l'ennuyait avec ses manies de femme libérée.
Chez lui, plus d'un siècle plus tard, il l'aurait punie.
Puis il l'aurait prise en lui refusant l'orgasme.
La menace du fouet et la promesse du plaisir.
Il avait ainsi dressé des dizaines d'esclaves femelles. Jouissance
et souffrance. Ainsi allait l'humanité depuis qu'elle existait.
Il avait envie de boire.
Le garçon d'étage avait sonné peu après,
avec une bouteille de vieux malt, un verre et la sandale d'Helen.
Songeur le Prince déboucha la bouteille et versa le liquide
ambré dans le verre.
- C'est mauvais ça… Inquiétant.
Il posa le verre, s'habilla, pris sa canne et sortit sans bruit
de la chambre.
Il appela l'ascenseur, considéra les numéros d'étages.
- Je n'aime pas ça du tout. Avec sa manie de fouiner partout,
Helen a probablement remué un nid de scorpions.
Il appuya sur le bouton du sous-sol.
Un couloir sombre, l'office à gauche, la lingerie.
La sortie de secours.
Il faisait encore nuit mais une lueur pâle éclairait
l'arrière cour. Un éclat de lumière attira
son regard. Il s'approcha.
- L'autre sandale ! Pas de doute ma chère Helen, vous ne
serez pas au rendez-vous demain soir. Et vous vous êtes mise
dans de sales draps.
Il parcourait la cour, cherchant un indice.
- Rien. Que faire ? Mmmm… La milice ou la police secrète.
Ou un de ces groupes para-militaires. Il faut attendre. Tels que
je les connais ils vont revenir. Pour m'arrêter moi aussi.
Ces chiens ont interrogé le personnel. Ils savent tout des
relations d'Helen. Allons terminer cet excellent malt. Il n'y a
rien d'autre à faire...
La journée avait passé sans incident. Le Prince était
peu sorti de sa chambre, juste pour les repas.
Dans la soirée il avait regardé un programme de télévision
abêtissant avant de se coucher et de s'endormir dans un demi-sommeil
vigilant.
" Les cafards sortent la nuit…"
La serrure craqua. Le prince s'éveilla immédiatement
et sa main glissa vers sa canne.
La lumière se fit brutalement et deux hommes firent irruption
dans la chambre, armes au poing.
- Debout terroriste. Tu es pris.
- Bien sur Messieurs. Vous permettez que je m'habille?
- Tu viens comme ça ! Non tu passes un pantalon.
La chasse. Le Prince était (est toujours d'ailleurs) un prédateur
et il aimait chasser. Il s'était redressé doucement
affectant de s'appuyer sur sa canne. Mais l'excitation du prédateur
à l'affût l'avait mis dans un état que je qualifierais
d'intéressant...
... mais que Pedro et Ramon trouvèrent gênant.
Le prince se dirigea doucement vers eux.
- Habille toi et vite.
Et les proies détournèrent pudiquement les yeux.
La lame de la canne épée jaillit, fouetta l'air, trouva
le cœur de la première proie, puis le poignet droit
de la seconde.
Le pistolet tomba sur le sol, puis la première proie, puis
la seconde, tenant sa main inerte.
- Tu as le choix, canaille. Tu ne parles pas et je te coupe les
couilles, la langue et les oreilles avant d'enfoncer la lame dans
ton ventre. Et tu meurs lentement en souffrant comme un chien. Ou
tu parles et je te tues proprement et rapidement.
L'homme était livide, il bredouilla:
- Pitié Señor, je parlerai mais ne me tuez pas…
Ma femme attend un enfant. je veux voir grandir mon fils.
- Qu'avez vous fait de la jeune femme ?
- Pitié Señor,on l'a emmenée à l'ancienne
conserverie…
- Ensuite ?
- C'est une terroriste Señor. Elle a avoué. C'est
vrai Señor, je vous jure…
- Ensuite ?
- On l'a emmenée à la Colonia Dignidad. C'est un centre
de rééducation. Pitié Señor, c'est vrai.
Ne me tuez…
- Je n'ai qu'une parole et je la tiens toujours.
Le Prince essuya l'épée soigneusement, la rangea,
s'habilla et appela la réception.
- Oui Joaquim ? Une bouteille de Lagavulhin. Et deux verres. Merci.
Le Prince avait saisi le plateau avant que le garçon ne le
laisse tomber et refermé la porte. Joaquim se tenait adossé
au mur, tremblant.
- Señor, ce sont des hommes de la Securidad. Vous les avez
tués. C'est grave. Mais ? … Je les connais. Ils ont
torturé ma sœur Señor. Ils l'ont violée
Señor. Et ils l'ont emmenée à la Colonia Dignidad
Señor. C'est bien Señor. Mais il faut fuir. D'autres
vont venir. C'est sur Señor. Je vais vous aider Señor.
- Je ne m'enfuis pas Joaquim. Je suis à Valparaiso à
cause de la Colonia. On a enlevé des femmes dans mon pays
et j'ai suivi leurs traces jusqu'ici. Je dois aller à la
Colonia. Si tu veux m'aider, trouve le moyen d'aller à Parral.
- Je vais le faire Prince. Il faudra quelques jours. Mais avant
je vais vous conduire chez ma mère. Elle vous cachera.
- Je n'aime pas me cacher Joaquim. Mais pour toi et ta famille,
je le ferai. J'ai également besoin d'une voiture. Je dois
aller quelque part dans la montagne. Seul.
- Je vais trouver Monsieur. Mais faîtes attention. Ce sont
de mauvais hommes.
- Je suis un gentilhomme mon ami. Mais cela ne veut pas dire que
je ne sais pas être sans pitié. Quand on me trahit,
quand on me blesse, moi ou ceux que je protège. Ah, j'allais
oublié. Apporte donc quelques bouteilles de cet excellent
whisky.